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DESCRIPTION D'UN TELLURIUM MECANIQUE

Christian BERNARDET présente ici un tellurium de sa conception et de sa fabrication. Il s'agit d'un instrument scientifique illustrant les mouvements de la Terre et de la Lune autour du Soleil, sculpture sidérale très décorative qui met, sous nos yeux, le système solaire en mouvement.

Tellurium : ce mot (de Tellus, la Terre vue sous l'angle astronomique) désigne un instrument scientifique, mais surtout didactique, pour expliquer les mouvements de la Terre et de la Lune autour du Soleil. Le Soleil est sur un axe vertical central et un bras horizontal portant la Terre et la Lune pivote autour de cet axe. Les premiers telluriums au 18e siècle sont animés à la main puis avec quelques rouages et une manivelle. D'autres, les telluriums mécaniques, sont mus par un moteur qui active les révolutions des planètes, ou couplés à une horloge qui les fait fonctionner en temps réel. Certains ont des rouages apparents, d'autres ne laissent apparaître aucun rouage. Les anciens telluriums peuvent être fabriqués en acier, en laiton, en bois (ou papier mâché peint pour les planètes). Aujourd'hui on peut utiliser les matières plastiques.

Tellurium présenté ici par Chr.Bernardet

Dimensions

Ayant l'habitude de travailler sur les mécanismes d'horloges comtoises, j'ai choisi naturellement d'utiliser des rouages de dimension proche de celles-ci. De plus, à ma connaissance, cette taille n'était pas encore utilisée pour des telluriums. Ils sont en général réalisés par des penduliers, donc dans les dimensions plus réduites de pendules de table, ou beaucoup plus grande, en matériaux modernes, comme à l'aéroport d'Orly.

Le mécanisme d'horloge

Mon premier modèle fut installé sur un petit mécanisme d'horloge de clocher d'église. Le suivant est entièrement de ma conception et de ma fabrication, y compris le mécanisme, lequel se compose d'un bâti à 4 colonnes, d'une roue de barillet entraînée par un poids très lourd, d'une roue d'heure (où sont fixées les aiguilles du cadran), et d'un échappement à pendule qui régule le défilement du temps. Je taille moi-même les dents des roues en laiton et les ailes des pignons en acier. Le principe de l'horloge à pendule ne peut pas donner une précision aussi bonne que les pendules à quartz modernes, mais j'ai choisi de rester dans l'esprit des horloges des 18e et 19e siècles, quitte à avoir une moins bonne précision.

Le Tellurium proprement dit

Composition : il est composé d'un bras horizontal décoré en laiton (coulé d'après un modèle en bois), ébavuré et poli, pivotant autour d'un axe central vertical, centre du système, symbolisant le Soleil, dans un plan qui est celui de l'écliptique (note 1 en bas de page). Le bras porte à son extrémité une sphère en laiton de 160mm de diamètre qui représente la Terre. J'ai étamé à chaud cette sphère, puis gravé les continents avec une fraise faisant réapparaître le laiton irisé. De même pour la Lune (30mm de diamètre).

Les axes terrestres et lunaires : l'axe terrestre est (et reste au cours de sa révolution annuelle) incliné de 23°5 par rapport à la verticale au plan de l'écliptique et l'axe de la Lune de 5°5 donc de 18° d'avec l'axe terrestre. Ce point est important car si, pour simplifier, on fait tourner la Lune autour de la Terre en utilisant l'axe terrestre, la Lune tourne dans le plan équatorial de la Terre. Avec un axe incliné de 18°, le plan de révolution de la Lune coupe le plan équatorial céleste (projection de l'équateur dans le ciel) 2 fois par mois lunaire comme dans la réalité. Cette disposition manifeste les cycles de Lune montant et Lune descendante (par rapport au plan équatorial) différent des cycles de Lune croissant et décroissante qui sont, eux, liés à la vision totale, fragmentaire ou nulle de la face lunaire éclairée par le Soleil. Le cycle Lune montante - Lune descendante permet d'expliquer pourquoi les éclipses de Lune de Lune et de Soleil ne peuvent avoir lieu que lorsque le plan de révolution lunaire coupe le plan de l'écliptique (ainsi appelé à cause des éclipses) à une époque où le Soleil est lui-même proche de ce point d'intersection. Aux périodes des équinoxes (note 2) de printemps et d'automne, le Soleil, la Terre et la Lune sont alors dans le même plan et de ce fait, vue de la Terre, la Lune peut être "éclipsée" par le Soleil ou inversement (note 3).

Le fonctionnement

-- fonctionnement accéléré : J'ai donc choisi d'entraîner mon tellurium par une horloge et de le faire fonctionner au rythme du temps réel. Cependant un débrayage permet de le faire mouvoir de façon accélérée grâce à une manivelle. Le retour à sa position d'origine se fait en marche arrière, en le remettant à la date et à l'heure du jour grâce aux cadrans.

-- fonctionnement en temps réel : Pour une satisfaction purement intellectuelle et esthétique (et bien que le mouvement de l'horloge ne puisse prétendre à une telle précision) j'ai choisi pour les rouages du tellurium, des rapports qui permettent de passer de 1 tour par jour à 1 tour par an, avec le maximum de précision tout en restant dans un nombre raisonnable de dents (maximum 135 dents sur la roue annuelle). Ceci permet d'obtenir une révolution annuelle sidérale de 365j 6h 09min 10sec 084millième (soit 31.558.150''084). Ceci représente un écart de +8 centièmes de seconde d'avec la réalité. La Lune quant à elle a une révolution sidérale (note 4) théorique de 27j 7h 43min 11sec 531 17 soit 27j 321 661 240 5 (= 2.360.591''531 17). La révolution que j'ai calculée l'amène ici à 2.360.591''522 047 soit un écart de - 0''0087.

Précession des équinoxes

Un mécanisme fait osciller l'axe de la Terre, comme une toupie, dans le sens rétrograde : cet axe conserve un angle de 23°5 d'avec la perpendiculaire au plan de l'écliptique, mais " remonte " si l'on peut dire le sens de révolution de la Terre, raccourcissant chaque année la durée de cette révolution de 20 minutes et 24 secondes (=1224''). Cette disposition permet de démontrer le phénomène dit de " précession des équinoxes " et d'expliquer pourquoi l'année tropique (dite aussi solaire, 365j 5h 48' 46'') est plus courte de 1224'' (20'24'') que l'année sidérale (365j 6h 09' 10''). Dans la réalité la Terre doit de ce fait effectuer 25782 révolutions autour du Soleil pour que son axe décrive un tour complet, soit 25.782 années, selon le calcul suivant :

365j 6h 09' 10''/20'24'' soit 31.558.150''/1224" = 25.782

Dans le tellurium présenté ici, le mouvement des équinoxes est accéléré et l'axe terrestre accomplit un tour complet en 36 révolutions (note 5)

Conclusion

J'ai souhaité fabriquer un objet rare qui réunisse les exigences mécanique, astronomique, esthétique et didactique. J'ai été fortement influencé dans ma vie professionnelle par le 18e siècle. Les artisans de cette époque étaient arrivés à un degré de qualité dans leur savoir-faire qui amenait leurs fabrications au niveau d'œuvres d'art. Comme eux, j'ai utilisé l'acier, le laiton pour son aspect solaire et chaud, l'étain pour ses soyeux reflets lunaires et froids. J'ai le plaisir de ne pas fabriquer en série, et de réaliser des œuvres qui diffèrent par des variantes astronomiques, mécaniques ou esthétiques. Je termine actuellement un globe terrestre mécanique de 35 cm de diamètre, qui accomplit sa rotation en une journée avec sa Lune, mais qui ne décrit pas de révolution autour du Soleil étant donné sa taille et son poids.

Note 1 : le plan de l'écliptique est le plan qui passe par le centre du Soleil et qui contient l'orbite de la Terre.

Note 2 : les équinoxes sont les points où le Soleil traverse l'équateur céleste. L'équinoxe de printemps se produit aux alentours du 21 mars et celui d'automne aux alentours du 22 septembre. Le jour et la nuit ont alors une durée identique (12 heures) partout sur la planète. Les anciens astronomes avaient fait débuter l'année à l'équinoxe de printemps, moment particulier et symbolique de l'année où le jour devient supérieur à la nuit, et où la nature émerge de l'engourdissement de l'hiver pour une nouvelle renaissance.

Note 3 : les éclipses : les équinoxes sont également les périodes de l'année où il peut arriver une éclipse de Lune (ou de Soleil) si la Lune vient à couper les plans de l'écliptique et de l'équateur céleste à ces moments précis. Les éclipses ont dû contribuer à faire des équinoxes des périodes remarquables dans l'année. Sur la durée de révolution de la Lune autour de la Terre (27 jours), rares sont les occasions où la Lune va couper le plan de l'écliptique aux jours d'équinoxes. Ceci explique la rareté des éclipses. Cela ne parait pas évident en voyant mon tellurium, mais c'est l'occasion de signaler que si les diamètres de la Terre et de la Lune sont ici en bonne proportion, la distance qui les sépare ne l'est pas. Avec un diamètre de 160 mm pour la Terre, la Lune de diamètre 43 mm devrait se trouver distante de 4,82 mètre. Cette distance est impossible à respecter dans un tel appareil, mais on comprend qu'éloignée de 4,82 m, une sphère de 43 mm a peu de chance d'occulter une autre sphère de même diamètre apparent (le Soleil). Dans ce tellurium, la distance Terre- Soleil devrait être de 1907 mètres !! Enfin, je rappelle que le Soleil et la Lune ont le même diamètre apparent vu de la Terre. Il n'en a pas toujours été ainsi. A sa formation la Lune était beaucoup plus proche de la Terre et apparaissait ainsi beaucoup plus grosse que le Soleil. Elle s'est éloignée et continue à s'éloigner d'environ 6,35 cm par an.

Note 4 : la révolution sidérale de la Lune : la révolution sidérale de la Lune autour de la Terre s'accomplit en 27j 32 et sa révolution synodique en 29 jours 53. Cette dernière prend son départ et sa fin le jour de la nouvelle Lune (Lune entre le Soleil et la Terre, donc non visible) : entre temps la Terre s'est déplacée d'un peu plus de 1/13e de tour autour du Soleil, entraînant notre satellite la Lune. Le retour de la nouvelle Lune se trouve ainsi retardé de plus de 2 jours. Cette révolution " synodique " entre dans une vision géocentrique du mouvement des planètes autour du Soleil. La vision sidérale est celle d'un observateur hors du système solaire (= vision du système héliocentrique).

Note 5 : nous voyons, par la précession, pourquoi, sur un plan des constellations, la Terre " remonte " les signes du zodiaque (du grec Zoa diacon, la roue des animaux, les 12 constellations d'étoiles fixes qui défilent dans le ciel), et pourquoi nous sommes passés aux alentours de l'an 2000 de la constellation des Poissons à celle du Verseau.

   
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